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Manger l’autre – Ananda DEVI

On dit que l’anorexie est la faim du père. La boulimie serait-elle la faim de la mère ?

La jeune fille qui est l’héroïne de ce roman, et qui n’a pas de prénom (tiens ?), est née obèse. Songez, un poupon de 10 kilos… Sa mère américaine au physique de star les quitte vite, elle et son père.

Son père qui est persuadé qu’elles sont deux, qui fait à manger pour deux, qui leur parle au pluriel.

La jeune fille nous décrit les humiliations verbales qu’elle subit, les regards blessants et vengeurs des professeurs, les photos volées et postées.

Puis un jour, elle ne peut plus quitter son lit et sa chambre.

L’auteure nous décrit cette irrépressible faim que rien ne rassasie dans notre société basée sur l’image et le contrôle (de soi, de son corps).

J’ai aimé suivre cette jeune fille à l’obésité morbide, ses réflexions sur ceux qui l’entoure, y compris son pauvre père. Car si son corps n’est pas dans la norme, son cerveau, lui aussi, sait s’affranchir de la norme. Mais que veut-elle, au juste ?

J’ai aimé que la jeune femme rencontre l’amour sous le regard bienveillant de son père.

Même si la fin m’a horrifiée, il ne pouvait y en avoir d’autre.

Une lecture qui m’a poursuivi une fois le livre refermé.

Un roman qui interroge sans discriminer, ce que j’apprécie toujours.

L’image que je retiendrai :

Celle du rouleau de tissu que réserve pour elle la couturière pour pouvoir la vêtir.

Quelques citations :

« Les individus des autres espèces se sacrifient pour la survie du plus grand nombre ; nous, nous ferons tout pour survivre, au prix du plus grand nombre. » (p.32)

« A la conversation que toutes les mères doivent un jour avoir avec leur fille adolescente : tu dois apprendre à aimer ton corps » (p.79)

« … comment ni les parents ni l’école n’ont su inculquer des principes fondamentaux à cette génération d’exhibitionnistes. (…) Ce que l’on appelle les phénomènes viraux sont nos nouvelles divinités : ils savent capter nos passions éphémères. » (p.138)

« L’image ne pardonne pas. » (p.141)

« Pauvre père. Il ne mesure pas l’étendue du monde virtuel. On ne peut pas en sortir. Il est éternel. Il est partout. infini. Il n’y a pas d’outil possible puisqu’il est hors du temps et de l’espace. Nous avons inventé l’enfer. » (p.144)

« Dès que les commentaires publics ont été autorisés, le monde s’est lâché. Le pire est remonté à la surface comme une écume nauséabonde. Pourquoi n’est-ce pas le meilleur de nous qui en est ressorti ?Les voix bienveillantes, les voix mesurées, les voix raisonnables ? Elles ont été étouffées par les autres. Ce qu’on entend, c’est la cacophonie de notre époque, celle de nos âmes, celle de nos consciences. » (p.153)

Lu sur Liselotte

Je remercie NetGalley et les Editions Grasset pour m’avoir permis de lire ce roman qui fait réfléchir sur notre époque et notre volonté cachée d’être regardé

Merci Cathulu pour cette très bonne idée de lecture

 

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