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Apeirogon – Colum McCANN

Comment parler succinctement de ce livre si riche ?

Il s’appelle Rami Elhanan, israélien, et il est le père de Smadar. Il s’appelle Bassam Aramin, palestinien, et il est le père de Adir.

Le deux jeunes filles sont mortes à dix ans d’intervalle. Smadar avait 13 ans, Adir 10.

Nous découvrons l’histoire de chaque père, les circonstances de leur drame, et la façon conjointe de faire en sorte que le décès de leur enfant chéri n’appelle pas à la vengeance et ne soit pas vain.

Mais il est également question d’oiseaux et de leur compte ; du dernier repas de Mitterand ; le vol des pierres colorées dans l’air ; la corde dans les traditions juives et musulmanes ; la musique de Verdi ou des animaux sauvages ; le bruit des roulettes de métal de la civière ; l’ordre de partir que l’ambulance reçoit trop tard ; le collier de bonbons qu’Adir venait d’acheter ; la Nakba de 1948 ; les clés des maisons abandonnées dans ce qui était devenu Israël.

J’ai aimé la forme inédite de ce que l’éditeur appelle roman : l’auteur mêle politique, philosophie, religion, cinéma, géographie et ornithologie, et j’en oublie. Car ce que nous appelons pudiquement conflit israélo-palestinien a des causes et des conséquences infinies, comme les faces d’un apeirogon.

Un livre qui met les hommes et les émotions au centre de la quadrature du cercle.

Des citations :

Bassam et Rami en vinrent à comprendre qu’ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d’une arme. (p.91)

Mitterand disait que son ultime diner – des ortolans – réunirait en un seul repas le goût de Dieu, la souffrance du Christ et les sang éternel des hommes. (p.164)

Slogan de leur organisation (les Combattants pour la paix) : Ca ne s’arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas. (p.169)

Dans une lettres à Rami, Bassam écrivait qu’une des caractéristiques principales de la douleur est qu’elle exige d’être d’abord vaincu, et ensuite comprise. (p.236)

Bassam qui déménage à Jéricho : la plus ancienne ville murée du monde. (p.481)

Lorsque les Britanniques quittèrent le club au début de 1948, les réfrigérateurs et les garde-mangers furent pillés et le club-house détruit, mais la carte des boissons demeura intacte sur un tableau noir au mur : parmi elles figuraient le Holy Moses, le Virgin Mary, le Jesus Wept, le Doubting >Thomas et l’Adam and Eve. (p.483)

L’image que je retiendrai :

Bassam et Rami donnent une interview dans un monastère en Israël. Ils repartent au même moment, mais pas sur la même route, et Bassam ne sera jamais sûr de pouvoir rentrer chez lui retrouver sa femme à cause des check-point.

Belfond, 20 août 2020, 512 pages

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