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Apocalypse cognitive – Gérald BRONNER

La situation est inédite. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, nous n’avons disposé d’autant d’informations et jamais nous n’avons eu autant de temps libre pour y puiser loisir et connaissance du monde.

Nos prédécesseurs en avaient rêvé : la science et la technologie libéreraient l’humanité.

Mais ce rêve risque désormais de tourner au cauchemar.

Le déferlement d’informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention. Nos esprits subissent l’envoûtement des écrans et s’abandonnent aux mille visages de la déraison.

Victime d’un pillage en règle, notre esprit est au coeur d’un enjeu dont dépend notre avenir.

Des citations éclairantes :

Ce temps de cerveau, nous pouvons aussi bien en user pour apprendre la physique quantique que pour regarder des vidéos de chats. (p.21)

Une anecdote tirée de mon expérience d’enseignant (:) lors d’un cours (…) j’ai introduit cette notion d’effet cocktail. Comme toujours, quand je parle, certains de mes étudiants ont le nez plongé sur leur téléphone portable. Ce jour-là, une étudiante qui avait pris soin de se placer tout en haut de l’amphithéâtre ne paraissait pas écouter un traître mot de ce que je racontais. Vint le moment de la description de l’effet pop-up que provoquent certains mots et c’est alors que j’ai prononcé le mot « sexe » : cette étudiante a instantanément levé les yeux de son téléphone, un peu éberlué, comme si elle avait raté quelque chose d’essentiel. (p.95)

Cette tendance de l’esprit humain à surestimer l’importance d’une information qu’il rencontre pour la première fois. (p.226-7)

A propos des supercheries : assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. (p.238)

Les grandes firmes ne répondent pas tant aux demandes des individus qu’elles ne les fabriquent. (p.247)

Le désir de trouver des réponses : Ce désir est tout simplement enfoui dans notre cerveau, de même que le désir de distinction, l’appétence pour la conflictualité et la sexualité. (p.250)

A propos du Top 50 (Alain de Greef) : Pendant les années que cette émission allait durer, le goût de chiotte de nos compatriotes en matière de chanson fut largement mis en valeur. (…) J’ai tiré de cette aventure qu’il ne fallait jamais prendre le pari sur le goût du plus grand nombre. (p.253)

Ce n’est pas la qualité de l’information qui lui assure une bonne diffusion mais plutôt la satisfaction cognitive qu’elle procure. (p.261)

A propos de l’effet Streisand : il arrive que les efforts fait pour empêcher la diffusion d’une information y contribuent. (p.273)

Il n’y a pas de groupe humain sans relation de pouvoir. (p.281)

Le réel suffit rarement pour défaire la croyance. (p.284)

Une telle désintermédiation est patente chez (Donald Trump) : l’idée est de se servir des réseaux sociaux pour parler directement au peuple et enjamber les intermédiaires traditionnels qu’étaient les partis, les syndicats ou encore les médias. (p.302)

La vie politique, partout, fourmille d’effet cobra. En raison du caractère court-termiste des décisions qui sont prises, on se fonde trop souvent sur des intuitions ne tenant compte que des effets primaires, et non secondaires, des initiatives politiques. (p.352)

PUF, 6 janvier 2021, 372 pages

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