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Arène – Négar DJAVADI

Le précédent roman de l’auteure Désorientale, ne m’avait pas spécialement plu.

J’entrais donc dans le roman sans à-priori. Et je l’ai dévoré !

L’auteure précise en début de roman que l’action se déroule dans un quartier précis de la capitale : l’Est parisien, mais qu’elle a pris des libertés avec la géographie locale. Tant mieux, moi qui ne connait pas particulièrement bien Paris, j’ai pu aisément m’y retrouver.

La mise en place est un peu longue : une cinquantaine de pages pour présenter les personnages et l’action principale, mais sur 425 au total, finalement, c’est peu.

Et puis certains personnages apparaissent aussi en cour de route, car ce roman est foisonnant.

Foisonnant également car, si le point de départ est la mort du jeune Issa une nuit, d’autres histoires viennent se greffer sur cette première histoire principale (Ariane et son mari Benjamin ; Thérèse la petite fille qui seule parle français dans sa famille ; Cathy la mère de Benjamin qui accueille un réfugié…).

Mais ce que j’ai surtout aimé dans ce roman, c’est qu’il donne un instantané sur 4 jours de notre société.

Benjamin qui travaille pour une société type Net-flix : jeune cadre dynamique qui ne vit que pour son boss à qui il voue un culte. Mais qui se rend compte qu’il est complètement déconnecté de ce qu’il se passe dans sa ville.

Cathy, qui accueille un réfugié hors de tout cadre, avec tout ce que cela implique.

Stéphane, père musulman, qui tente de monter sa chaine de télévision autour de la culture musulmane et qui intervient sur les plateaux télés.

Camille, la jeune fille qui filme la découverte du corps d’Issa et la poste sur les réseaux sociaux, ce qui déclenche des réactions en chaîne.

Sam, la jeune policière turque, qui découvre le corps et a un geste malheureux ; sa famille turque habitant l’Alsace.

J’ai aimé que l’auteure place des repères historiques dans sa narration. Ainsi, ce fameux quartier de l’est parisien était au paravent le lieu du gibet de la capitale : le gibet de Montfaucon, symbole de la peine de mort et de la cruauté judiciaire.

La série créée par Benjamin Another us sert de fil rouge à la narration, car tout le monde connait et aime cette série.

De même, de nombreuses marques de vêtements sont cités, des médicaments, et des titres de films ou de romans inventés : nous vivons au milieu de publicités permanentes.

L’auteure a su créer une atmosphère particulière (et ça j’adore) qui ne vous lâche pas, même une fois le roman refermé.

Un roman passionnant de bout en bout et qui offre une vision fine de notre société hyper-connectée aux réseaux sociaux.

Quelques citations :

Des centaines de milliers d’euros d’argent public dilapidés, plus de deux cent personnes au chômage du jour au lendemain. Deux cent personnes pour cinq malheureuses phrases ! (p.182)

Tout n’est que guerre. Partout. A chaque seconde. Guerre de territoire. (p.207)

(A propos des politiques) Ces « n’importe qui » inconsistants et creux, qui n’ont même plus le courage de descendre dans l’arène tels qu’ils sont, mais se présentent poudrés et magnifiés de pied en cap par des hordes de communicants. (p.316)

Et quand la gangrène s’installe (…) et que personne, nulle part, ne se sent ni responsable ni comptable de rien, alors vient le moment où l’infection finit par gagner tout le corps.Et le barrage cède. (p.374)

(A propos des migrants) Personne ne réalise à quel point ces gamins sont perturbés. Non seulement ils sont tous nés sous la guerre, mais leurs parents aussi. Ils n’ont connu que ça. La destruction et la mort, en boucle. Et on voudrait qu’ils réagissent comme nous. (p.411)

L’image que je retiendrai :

Celle de ce quartier particulier à cheval sur 4 arrondissements : les pouvoirs publics se renvoient donc la balle.

Liana Levi, 20 août 2020,432 pages

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