Auteurs en M

Arpenter la nuit – Leila MOTTLEY

Elle m’a touché, Kiara, qui tente de s’en sortir dans West Oakland : elle habite d’abord avec son frère aîné, puis seule après que celui-ci se soit fait arrêté, et enfin avec Trevor le petit garçon du dessus.

Son père est mort et sa mère est en réinsertion quelque part. Son frère Marcus ne rêve que de percer dans le rap et ne sait pas garder un travail. Alors c’est à elle, Kiara, de se débrouiller pour payer le loyer et les courses.

Kiara se prend d’amitié pour Trevor, le garçon de 9 ans du dessus dont la mère droguée ne s’occupe pas, délaissant de plus en plus l’appartement. Et c’est Kiara qui se charge de payer les deux loyers.

J’ai été en colère contre Marcus qui ne sait visiblement rien faire, même pas rapper correctement d’après Kiara, incapable de tenir un emploi plus de quelques jours. Un jeune homme plein de colère qui refuse de voir la réalité.

J’ai aimé Trevor qui, lui, se rend un peu compte de la situation et qui pari sur des matchs de basket pour gagner quelques dollars.

J’ai aimé que le ciel de la ville face lui aussi partie du décor, ni tout à fait bleu, ni tout à fait gris.

J’ai aimé les leitmotivs du récit : l’empreinte du pouce de Kiara tatoué sous l’oreille de Marcus ; les ongles tellement rongés de Kiara qu’elle est obligée de cacher ses mains ; le terrain de basket comme unique repère pour Trevor ; la piscine de l’immeuble pleine de caca de chiens.

J’ai eu de la peine pour Camila à la couleur de cheveux changeante, qui aide parfois Kiara mais sans en faire trop, juste assez pour que Kiara ne devienne pas victime de son travail.

Un récit qui m’a parfois mis mal à l’aise car Kiara se vit comme une accusée alors qu’elle est une victime.

Un récit poignant sur les conditions de vie de certains enfants dans le pays le plus riche du monde.

Quelques citations :

… le masque de ma mère fini par s’écailler et elle est là entre mes genoux à me demander de la réparer alors que c’est moi qui suis venue ici pour me faire aider. (p.133)

Voilà ce que ça fait de se fier uniquement à la plante de ses pieds et au bruissement de ses hanches pendant si longtemps : impossible de lâcher quoi que ce soit, de laisser se rompre la digue. (p.315)

Le silence ça donne faim, ma puce.? Et il faut que tu manges. (p.354)

L’image que je retiendrai :

Kiara ne connait pas les noms des policiers qui la violent et la menacent, mais seulement leur numéro de plaque.

Albin Michel, 17 août 2022, 416 pages

28 commentaires