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Chavirer – Lola LAFON

Même si ce roman n’est pas un coup de coeur, j’ai adoré cette lecture.

D’abord parce que Cléo fait de la danse : du modern jazz. Et pour continuer à danser, elle est prête à tout, y compris à décrocher une bourse de la mystérieuse Fondation Galatée.

Plus tard, elle danse dans la compagnie de Malko pour l’émission Champs Elysées, puis dans une revue parisienne.

Son corps la fait souffrir, mais jamais elle ne renonce. Quitte à vivre avec la double culpabilité de la victime et du bourreau.

Victime de la Fondation Galatée qui n’est qu’un paravent pour de riches barbons afin d’approcher des jeunes filles, de préférences de milieu défavorisé et avec un fort tempérament.

Bourreau car à son tour elle recrute des filles de son établissement scolaire pour Galatée.

Notamment Betty, 12 ans. trop jeune pourtant, mais Betty n’en fait qu’à sa tête. Et malgré Cléo, elle deviendra la petite fiancée d’un homme de 50 ans.

J’ai aimé que Cléo défende sa compagnie face à son amante Lara. Lara qui est de tous les combats pour défendre les travailleurs, mais qui ne comprend pas que l’on ne veuille pas danser du classique.

Et la compagnie de Malko fait danser toutes les couleurs de peau. Il y a une vraie diversité, au contraire du ballet classique.

J’ai aimé que Cléo cherche à être touchée au coeur, montrant souvent du doigt cette partie là d’elle même.

J’ai aimé la bande son très années 80.

J’ai souris chaque fois que Cléo souriait lorsqu’elle dansait. Et elle sourit beaucoup, contrairement à La petite communiste.

Mes cheveux se sont dressés à écouter Cathy et ses vieux schnocks demander aux jeunes filles d’être matures pour pouvoir exploiter leur faiblesse.

J’ai aimé que Cléo s’ouvre à la pensée grâce au père de Yonnack, vieux rabbin qui prend cette jeune fille cassée en affection et lui glisse chaque semaine des phrases à méditer.

L’autrice a su me rendre plaisant le goût pour le strass et les paillettes (très années 80 également) dont raffole Cléo.

J’ai aimé Claude, l’habilleuse de la revue, qui, l’espace de quelques chapitres, m’a fait pénétrer dans les coulisses du spectacle, avec ses filles qu’elle materne, et son manager impitoyable.

Car ce roman est également un roman social qui met en lumière les classes défavorisées, éternelles perdantes et volées du Grand Capital.

Quelques citations :

oui, si ça ne faisait pas mal, c’est qu’on n’avait rien osé déranger. p.181

Ces gamines n’avaient pas décidé d’échanger du sexe contre un stage ou une lettre de recommandation. Elles l’ont fait pour ne pas décevoir Cathy. (…) Cathy avait parié que l’amour les réduirait au silence. Elle a eu raison. p.334

Le système Galatée ne disait pas autre chose : que la meilleure gagne ! L’affaire Galatée nous tend le miroir de nos malaises : ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce : j’achète des objets dont je n’ignore pa=s qu’ils sont fabriqués par des esclaves (…). Nous sommes traversés de ces hontes, un tourbillon qui peu à peu nous creuse et nous vide. N’avoir ien dit. Rien fait.

Avoir dit oui parce qu’on ne savait pas dire non. (p.336)

L’image que je retiendrai :

Celle des chevilles, très présentes dans ce roman, qui sont malmenées souvent.

Actes Sud, 19 août 2020, 344 pages

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