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Leur âme au diable – Marin LEDUN

Plonger dans un roman de Marin LEDUN, c’est être certain de passer de belles heures intelligentes de lecture. Chaque roman est différent et surprenant.

Celui-ci est hyper bien documenté et m’a plongé dans les années 80 au milieu des requins de Big Tobacco.

L’histoire commence le 28 juillet 1986 par le braquage, au Havre, de deux camions-citernes remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes. 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue.

Les OPJ Nora et Brun enquêtent. Vingt ans durant, des usines serbes aux travées de l’Assemblée nationale, des circuits mafieux italiens aux cabinets de consulting parisiens, ils vont traquer ceux dont le métier est de corrompre, manipuler, contourner les obstacles au fonctionnement de la machine à cash des cigarettiers.

David Bartels, le lobbyiste mégalomane qui intrigue pour amener politiques et hauts fonctionnaires à servir les intérêts de European G. Tobacco. Anton Muller, son homme de main, exécuteur des basses oeuvres. Sophie Calder, proxénète à la tête d’une société d’évènementiel sportif.

Des personnages haut en couleur et plus vrais que nature, prêt à tout pour vendre leur produit.

J’ai aimé que l’auteur me parle d’hommes ambitieux, de leurs petites mains, et de ceux qui veulent les faire tomber.

J’ai aimé le combat de David contre Goliath.

J’ai aimé le travail en commun de Bartles et Sophie qui ne manquent pas d’idées pour sponsoriser les courses de voitures (Grand Prix de F1 et ses ambrella girls) et ainsi faire de la publicité pour Big Tobacco.

Le style un peu direct m’a parfois dérangé, j’aurai préféré que certaines phrases soient plus longues pour développer le propos. Mais chaque chapitre décrit une journée au fil des 20 ans de l’enquête de Nora, et doit résumer ce qu’il s’est passé entre chaque chapitre. Un vrai tour de force qui ne perd jamais le lecteur.

Quelques citations :

Ses collègues de l’Office Européen de Lutte Antifraude à Bruxelles l’ont surnommé Virginia Wolf, en référence à la célèbre écrivaine anglaise, parce qu’il passe ses journées à noircir des feuilles de papier de notes comme un moine copiste. Virginia, comme la variété de tabac privilégiée de la firme European G. Tobacco. Wolf parce qu’ils l’imaginent hurlant à la mort, les nuits de pleine lune, du haut de la tour OLAF. (p.398)

C’est même l’un des traits caractéristiques de la torture moderne, monsieur Rojas : la victime se l’inflige à elle-même. (p.441)

C’est l’invention de ces dix dernières années. Après le marketing du plaisir immédiat, nous sommes entrés dans l’ère de la menace. (p.442)

L’image que je retiendrai :

Celle des pièces enfumées des années 80 et qui ont complétement disparu de nos jours. Je ne m’en plains pas….

Gallimard, 4 mars 2021, 608 pages

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