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Triste tigre – Neige SINNO

Etant donné que ce livre n’est pas un roman avec une trame narrative ; étant donné que j’ai accroché pleins de post-it lors de ma lecture au point que le livre ressemble maintenant à un hérisson, je vais commencer par citer les passages qui m’ont marqués :

Ne vous étonnez donc pas si vous êtes un survivant, une survivante, que vous avez fait votre bout de chemin, que vous ne vous en sortez pas trop mal, du mieux possible en fonction de vos conditions de départ, et peut-être même que vous vous en sortez de manière prodigieuse, et que pourtant vous n’êtes pas content. Vous n’éprouvez pas ce sentiment de paix que joue l’actrice (…) parce que ce n’est pas fini. (p.86-87)

… et qu’il me laisse enfin en paix (p.103) : cette remarque revient souvent sous la plume de l’autrice.

Pauvre Johnny, qui doit se demander depuis le fond de sa tombe rococo ce qu’il est venu faire dans ce livre. Qu’il ne m’en tienne pas rigueur, ce n’est pas moi qui ai choisi la bande-son. (p.122)

C’est toujours grand ouvert chez un enfant. Un enfant ne peut pas ouvrir ou fermer la porte du consentement. Il n’atteint pas cette poignée. Elle n’est simplement pas à sa portée. (p.146-147)

La prédation sexuelle n’est pas tant liée au plaisir physique qu’à une relation de domination, c’est-à-dire de pouvoir. Ils choisissent cette agression-là parce que c’est une manière de dominer, d’assujettir l’autre, qui va au-delà des autres formes possibles. (p.164)

Cette identité de monstres qu’ils rejettent tous ensuite, à un moment donné, ils l’ont incarnée avec une jouissance folle. (p.165)

… même si il y a des périodes d’accalmies où je pense à autre chose, même si tout ne se rapport pas toujours à cela, c’est encore souvent le cas. En ce sens il a gagné et je n’y peux rien. Damaged for life. (p.176)

Ce qu’il y a d’insupportable dans la résilience c’est l’idée que toute cette souffrance ne conduise qu’à être normal. Accepter que ce que les autres ont sans effort,sans même en percevoir la valeur, ne nous est donné qu’au prix d’une double peine : le martyre et ensuite le chemin de croix de la guérison. (p.261)

Quelque part en lui, il y a l’autre lieu. C’est calme pour l’instant, mais je sais que c’est là. Je sais aussi qu’il ne sera pas seul avec ça.  Il ne saura pas que je suis là avec lui, car nous n’évoquerons jamais le sujet. Mais je serai là. Il ne sera pas seul avec ça. (p.274)

J’ai aimé les réflexions distancées que l’autrice apporte à son lecture, s’aidant de la littérature.

J’ai eu de la peine pour son vrai père, Sammy, qu’enfant elle voit de moins en moins puis plus du tout.

J’ai été choquée de lire que son beau-père, lors d’un carnaval à l’école, s’était déguisé en excrément. Choquant et en même temps tellement révélateur.

Je n’ai pas été étonnée de lire que l’autrice avait construit sa vie d’adulte ailleurs, de l’autre côté de l’océan, au Mexique. Sa sœur aussi.

Une lecture forte et un texte éclairé sur le calvaire post-viol des victimes.

POL, 17 août 2023, 288 pages

Merci Martine pour le prêt

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